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Document pour la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine

Mme Christine St-Pierre

Pour son comité pour l'élaboration d'une charte d'engagement volontaire pour contrer l'extrême maigreur et l'anorexie et promouvoir une image corporelle saine.

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Présenté par : José Breton

Membre actif de la communauté « fat acceptance » et FA sur Internet. D'ailleurs, il est à l'origine du premier site web francophone fat acceptance/ FA (mai 1996)

Diplômé au baccalauréat en Éducation physique de l'Université Laval en 1985

Introduction:

Voici ma position et mes recommandations à votre comité pour l'élaboration d'une charte d'engagement volontaire destinée à l'industrie de la mode, de la publicité et des médias, pour contrer l'extrême maigreur et l'anorexie et promouvoir une image corporelle saine.

Le standard de la minceur, de la femme délicate et menue que l'on retrouve dans la publicité, dans les parades de modes, dans le cinéma, dans la télévision, dans les revues de mode et dans la pornographie, constitue un choix très subjectif.

L'argent tourne autour de l'image de la minceur. Ce sont ceux qui possèdent le pouvoir de l'argent et de la diffusion médiatique qui nous imposent leur vision de la beauté féminine. En d'autres mots, nous faisons face au monopole de la minceur.

Cette image de la femme filiforme est tellement envahissante, que cela donne aux femmes l'impression que ce choix esthétique constitue un fait objectif reconnu par la science, d'où un sentiment généralisé d'impuissance face à l'énorme machine économique qui fait la promotion de la minceur comme unique modèle de beauté.

Mon but sera de vous mettre sur la piste de solutions pour contourner le monopole de la minceur. L'idée, c'est de faire de la place pour d'autres modèles de beauté féminine, afin de contribuer à promouvoir une image corporelle saine.

Pour comprendre la situation, il faut tenir compte des préjugés qu'ont les gens. Car qui dit subjectivité, dit préjugé.

Mon préjugé à moi, est clair: c'est la femme ronde que je préfère.


Voici les données objectives dont vous devriez tenir compte.

L'apparence physique:

L'apparence physique chez la femme est directement reliée à sa sexualité. Développer une image corporelle saine pour les femmes, signifie avoir une sexualité épanouie. Elle apporte un sentiment de confiance nécessaire au développement d'une relation affective saine.

Par conséquent, les questions d'apparence physique touchent directement à une fragilité féminine. En d'autres mots, les femmes sont sujettes à se faire manipuler et arnaquer sur ce sujet.

Être fragilisée signifie ne pas avoir la force morale de se défendre. Ce qui explique que les femmes se laissent ridiculiser sans rien dire par des publicités de produits d'amaigrissement douteux, comportant des allégations qui n'ont ni queue ni tête.

Les femmes perçoivent les activités frauduleuses de l'industrie de l'amaigrissement comme une fatalité. Par conséquent, elles ne font jamais de plainte.

Ce qui explique également que les femmes se laissent insulter sur leur apparence physique, et qu'elles se laissent traiter de grosses moches, sans rien dire.

Voici des exemples d'arguments qui démontrent que la promotion de la minceur constitue un monopole. Les éditeurs de revues affirment 

« qu'ils ne mettront pas de femmes rondes dans leur revue parce qu'ils vont en vendre moins ». 

Toujours d'après eux, « ils répondent au besoin que les femmes ont de rêver ». 

Elles n'apprécient pas leur apparence physique, et elles ne veulent pas se voir dans les revues.


Les rondeurs féminines

Dans tout bon livre de physiologie, il est écrit que le tissu adipeux des femmes possède des fonctions essentielles au maintien de la santé et des fonctions reproductives.

D'ailleurs, la femme possède en moyenne le double du pourcentage de masse adipeuse de l'homme. Une femme qui perd trop de poids voit ses menstruations s'arrêter, parce que son organisme réagit à la diminution grave des réserves énergétiques qui entraîneraient un danger pour la survie du fœtus.

De plus, le tissu adipeux est nécessaire à la production du lait. Il transforme les hormones androgènes en œstrogène et prévient l'ostéoporose.

Mais le plus important, en ce qui nous concerne, c'est le fait que les rondeurs sont un caractère sexuel secondaire. Elles sont responsables de la beauté plastique du corps de la femme. Nous pouvons donc affirmer que les rondeurs forment l'identité physique sexuelle féminine.

En ce qui concerne la minceur ou l'allure mince, elle constitue un concept esthétique qui ne réfère à aucune partie du corps de la femme.

Pour promouvoir une image corporelle saine, il faut promouvoir une représentation féminine qui correspond à la nature biologique de la femme avec des rondeurs.

Cette tendance naturelle des femmes d'avoir des rondeurs explique le fait que les 2/3 des femmes habillent la taille 12 ans et plus, et que la québécoise moyenne porte du 14 ans.

L'argent

Étant sonné que l'argent mène le monde, la promotion de la minceur comme critère de beauté existe parce que c'est rentable . On maintient les femmes dans l'obsession de la minceur parce que cela rapporte beaucoup d'argent.

Malgré le fait que le marché du vêtement taille plus est le plus important (les 2/3 de la population féminine portent du 12 ans et plus), il est marginalisé.

Objectivement, pour tirer profit de ce marché, il faudrait augmenter la visibilité médiatique des femmes de taille plus. Car pour leur vendre des vêtements, il faut les séduire ou les valoriser. En d'autres mots, leur dire qu'elles sont belles avec leurs rondeurs.

Les préjugés

Nous avons tous des préjugés, surtout sur des sujets qui concernent des aspects reliés à l'être humain. Nos préjugés nourrissent nos motivations.

L'utilisation des femmes filiformes dans la mode, le cinéma et la télévision, n'est pas seulement motivé par un choix esthétique, mais correspond à un fantasme sexuel de ses promoteurs.

On est ici devant une situation où des hommes imposent leur fantasme sexuel à d'autres hommes. Donc, les hommes sont aussi victime du monopole de la valorisation de la minceur comme unique modèle de beauté féminine.

Malheureusement, la culture de la minceur a engendré un contexte de mépris envers les rondeurs féminines.

Ainsi, les designers de mode, les publicistes, les producteurs de télévision et de cinéma n'ont pas qu'une simple préférence pour les femmes filiformes, ils entretiennent un mépris profond pour les femmes rondelettes.

Ce mépris est même rendu socialement acceptable dans la population en général. Alors, vous ne devez pas seulement lutter contre les images de femmes trop maigres, mais lutter aussi contre le mépris envers les rondeurs féminines.

Dans ce contexte de mépris, même les femmes ont développé un discours anti-rondeurs. Elles parlent des manières d'éliminer leurs rondeurs disgracieuses, de s'habiller pour camoufler ses rondeurs, et de faire des exercices de raffermissement. Autrement dit, les femmes sont inconfortables avec leurs rondeurs. Elles voudraient ne plus en avoir. Les femmes voient leurs rondeurs telle une tare physique.

Dans ce contexte de mépris, la minceur des mannequins représentent un idéal à atteindre. Elle représente le rêve d'avoir un corps sans rondeurs disgracieuses. Les femmes se servent de la promotion de la minceur pour se dénigrer et s'auto-flageller. Ce qui fait que l'obsession de la minceur constitue un réel cauchemar pour les femmes.

Pire encore, les préjugés contre les rondeurs féminines ont créé une forme d'eugénisme à la Adolhe Hitler que j'appelle le morphologisme. De la supériorité de la race à la supériorité d'une apparence physique bien précise, il n'y a qu'un pas. D'où la légende urbaine qui dit que les femmes filiformes auraient une beauté supérieure.

L'Internet une nouvelle réalité

La Toile a changé nos vies. L'idée de la minceur comme unique modèle de beauté féminine nous fut imposé par les médias traditionnel à partir des années 50.

Les médias traditionnels, avant l'aire de l'internet, avaient le monopole ou le contrôle total de l'information. Autrement dit, la population n'avait pas les moyens de s'informer autrement que par eux. Ils décidaient pour nous des sujets dont on devait s'intéresser.

Les médias traditionnels ont, en quelque sorte, uniformisé la culture, puisqu'ils étaient les seuls transmetteurs culturel. Ce sont eux qui nous ont imposé l'image de la femme filiforme comme modèle idéal de beauté.

La révolution apporté par l'Internet, c'est d'avoir brisé ce monopole des médias traditionnels. Avec la Toile, les gens peuvent choisir les informations et la culture qui leur plaisent d'avantage. En d'autres mots, les gens peuvent se créer un monde à leur image.

Les gens personnalisent leur culture. Fini le temps de l'uniformisation culturelle. Grâce à l'Internet, les gens peuvent s'affranchir de la valorisation de la minceur féminine.

Les gens se réunissent sur Internet et forment des communautés Internet autour d'opinions et d'intérêts communs.

L'une de ces communautés tourne autour du « fat acceptance/ FA (fat admirer) ». Les femmes faisant partie cette communauté ne sont plus dépendantes des médias traditionnels pour se faire dire ce qu' il faut avoir l'air pour être considérée comme belle.

Les femmes de taille plus retrouvent sur Internet un monde à leur image. Elles y trouvent une culture où elles se sentent valorisées, belles et séduisantes. Elles n'ont plus à soumettre au diktats de la minceur énoncés par les médias traditionnels.


Mes recommandations d'éléments à intégrer dans la charte

L'idée générale:

La promotion d'une image corporelle saine passe par la diffusion d'un message positif en faveur des rondeurs féminines dans la société.

L'apparence physique

1- En signant la charte, les gens devraient reconnaître que les questions d'apparence physique touchent à une fragilité proprement féminine, parce qu'elle est reliée à la sexualité.

Les signataires devraient s'engager à traiter de ce sujet toujours avec respect et diligence, pour éviter que les femmes ne se sentent inadéquates, en évitant de diffuser l'idée que le bonheur sexuel n'appartient qu'aux femmes minces.

En d'autres mots, que les femmes peuvent avoir une vie sexuelle pleine, riche et satisfaisante peu importe leur poids.

Les signataires devraient s'engager à ne pas culpabiliser les femmes sur leur apparence physique dans leurs commentaires :

- à ne pas utiliser leurs complexes pour leur vendre quelque chose;

- à ne pas encourager les femmes à perdre du poids;

- à ne pas accepter de diffuser des publicités d'aliments qui prétendent les aider à perdre du poids;

- à ne pas accepter de diffuser des publicités de produits d'amaigrissement miracle;

- à ne pas accepter de diffuser des publicités de médicaments amaigrissants qui misent sur l'amélioration de l'apparence physique.

Les rondeurs féminines

2- En signant la charte, les gens devraient reconnaître que les rondeurs féminines forment l'identité sexuelle physique des femmes. Les gens devraient reconnaître que les rondeurs caractérisent la féminité.

Les signataires s'engageront à parler de rondeurs lorsqu'ils décrivent la beauté du corps d'une femme. Ils s'engageront à éviter de parler de minceur. En d'autres mots, d'éviter de faire l'éloge de l'allure mince d'une femme.

Quand ils diffusent leurs opinions, ils s'engagent à parler du corps de la femme en termes de beauté de ses courbes féminines. Ils s'engagent à associer rondeurs et féminité.

Quand ils diffusent leurs opinions, ils s'engagent à ne pas associer les termes minceur, petite, délicate et élancé à la féminité. Ils s'engagent à ne pas faire l'association des termes jeunesse, minceur et beauté.

Quand ils diffusent leurs opinions, ils s'engagent à ne pas associer les termes rondeurs, vieillissement et laideur.

Le terme « rondeurs féminines » devrait faire partie des termes utilisés dans tous les documents préparatoires aux réunions de votre comité. Il devrait apparaître souvent dans le texte de la charte que vous allez rédiger.

L'argent

3- En signant la charte, les gens devraient reconnaître que le marché le plus important, en terme de nombre, est celui des femmes qui habillent les tailles de 12 ans et plus, cela pour leur faire réaliser qu'il serait payant ou rentable d'investir de l'argent dans la promotion des femmes de tailles plus. L'argent ne doit pas être seulement placé du côté de la promotion de la minceur.

Les préjugés

4- En signant la charte, les gens devraient reconnaître qu'ils ont des préjugés en ce qui concerne l'apparence physique des femmes.

Les signataires admettront que leurs préjugés en faveur des femmes filiformes constituent un choix purement subjectif, et que ce choix esthétique n'est pas supérieure aux autres.

Les signataires admettront qu'ils ne sont pas les seuls capables de juger de la beauté d'une femme.

Les signataires admettront que tout le monde a droit à leurs préjugés en ce qui concerne la beauté féminine, mais qu'il est inacceptable que quelqu'un veuille imposer ses préjugés aux autres.

Par la charte, les signataires s'engageront dorénavant à ne plus essayer d'imposer leur choix esthétique aux autres.

On ne devrait pas demander aux personnes qui n'aiment pas les femmes rondes d'organiser des choses pour cette clientèle. Des activités de mode pour les tailles plus devraient être organisées par des personnes qui ont un préjugé positif en faveur des femmes rondes. Les entreprises qui oeuvrent habituellement dans la taille mince devraient engager des personnes qui ont de l'intérêt pour les femmes rondes.


Recommandations pour traiter avec les promoteurs de la minceur féminine.

L'Internet une nouvelle réalité

5- L'État se doit de tenir compte de l'existence de la multitude d'opinions qu'il y a sur l'Internet.

Traditionnellement, l'État était à l'écoute des revendications ne provenant que des organismes qui sont officiellement sur le registre des entreprises.

Il se devrait de s'intéresser aux communautés présentes sur Internet puisqu'elles constituent des mouvements sociaux touchant directement la vie des gens.

L'État devrait subventionner des activités de mode en fonction de l'importance du marché en terme de pourcentage de la population et non en fonction du poids médiatique et de la richesse de ses promoteurs.

L'État devrait s'informer les initiatives sur Internet qui contribuent à promouvoir une image corporelle saine chez les femmes. Comme les gens des médias traditionnels ont un préjugés en faveur de la minceur, ils n'accordent pas d'importance à la communauté « fat acceptance ».

Si l'État attends que les gens des médias décident de changer leur fusil d'épaule en reconnaissant la valeur du travail de ceux qui valorisent les femmes rondes pour commencer à s'intéresser à ces derniers, les poules vont avoir des dents.


Conclusion

Les médias traditionnels donnent beaucoup trop de place à la lutte contre la prétendue épidémie d'obésité, à cause de leur préjugé négatif contre les femmes rondes.

D'ailleurs, les activistes anti-obésité sont influencés par leur fantasme sexuel qu'ils dirigent vers les femmes minces.

Afin que les femmes développent une image corporel saine, il faudrait aussi que dans la société on valide la diversité des fantasmes sexuels des hommes; au même titre qu'on devrait valoriser l'idée que la beauté féminine se retrouve dans grande une variété de poids et de grandeurs

En résumé, pour développer une image corporelle saine, la femme devrait être convaincue que son corps est désirable sexuellement.

En terminant, si lors des travaux de votre comité, personne ne parle de l'aspect sexuel, du désir des femmes de plaire et des fantasmes sexuels des hommes, vous allez passer à côté de votre objectif de promouvoir une image corporelle saine chez les femmes.

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